Wintzenbach
« Extrémiste » pour les uns, « persévérante » et « forte » pour les autres, Véronique Moog, 50 ans, a toujours été dévouée à la lutte contre les maltraitances faites aux animaux. En 2018, elle lance son association La porte de l’espoir, dédiée à la protection animale et basée à Wintzenbach. Aujourd’hui, elle se bat pour la construction d’un refuge mais se heurte à de nombreux refus notamment celui de la mairie de son village.
Alice HERRY – 13 janv. 2023
Fatiguée, désemparée, à bout de nerfs. Véronique Moog ne se sent plus chez elle dans sa maison, transformée « par la force des choses » en refuge pour animaux, à Wintzenbach. Neuf chiens ont pris possession de son salon. Ils se pavanent sur le canapé et font la sieste sur les tapis. « Quatre sont à moi ! Les cinq autres attendent une famille. »
L’ancienne chambre de son fils accueille une dizaine de rongeurs dans des grosses cages et sa salle de bains se transforme en chatterie pour les urgences. « J’aimerais bien retrouver une vie privée. J’ai toujours la tête dans l’association et le sauvetage. Ce n’est plus vivable », soupire-t-elle.
De l’affection pour les « gueules cassées »
Pour comprendre son histoire, il faut revenir en arrière. Cette fille d’agriculteurs s’est toujours occupée des animaux de la ferme. « On avait aussi douze chats à la maison. Dès que je trouvais une chenille par terre, je la ramenais dans ma chambre. » Après avoir eu deux chiens de race, elle se prend vite d’affection pour les chiens qui n’ont pas de chance, pour les « gueules cassées », « les abîmés de la vie ».
En 2015, Véronique et son époux se tournent vers une association et adoptent une chienne, Hapril, trouvée dans la rue, sous un escalier avec sa mère et ses frères et sœurs, à Pascani, en Roumanie. « On a passé beaucoup de temps à s’occuper d’elle. Elle était très craintive, on ne pouvait pas croiser son regard sans qu’elle se mette à grogner. » L’habitante de Wintzenbach se lance alors dans le sauvetage de chiens roumains et devient famille d’accueil. Son envie d’aider les animaux errants, maltraités ou abandonnés gagne du terrain. En 2018, elle crée l’association La Porte de l’espoir. « Pas uniquement pour les chiens, mais pour tous les animaux, parce que la cruauté de l’homme n’a pas de limite. »
Quelles différences avec la SPA ?
« Contrairement à nous, les Sociétés protectrices des animaux (SPA) sont financées par le gouvernement, elles ont le soutien des communes où elles sont implantées. Notre association fonctionne de manière indépendante. Et puis, on n’a aucune structure », pointe la présidente, Véronique Moog.
Autre différence, les SPA ont les autorisations pour accueillir des chiens dits catégorisés (chien d’attaque, de garde et de défense). Et dans un refuge, aucune euthanasie n’est obligatoire. En effet, dans les SPA, après l’expiration du délai de garde, si le vétérinaire constate que l’animal n’est pas adoptable (trop âgé, malade, agressif), il peut procéder à son euthanasie.
150 chiens rapatriés de Roumanie ont échappé à l’euthanasie
En cinq ans d’existence, son association, composée d’une douzaine de membres et d’une vingtaine de bénévoles, a enregistré 1 232 adoptions, notamment dans le Grand Est mais aussi en Bretagne et en Île-de-France.
Actuellement, 47 animaux sont placés en famille d’accueil en l’attente d’un nouveau foyer, également dans le Grand Est. « J’ai hébergé plus de 500 chiens chez moi depuis que je fais du sauvetage. Et l’association a rapatrié plus de 150 chiens de Roumanie, d’un refuge partenaire, ce qui leur a permis d’éviter l’euthanasie. On a aussi sauvé des chevaux et des chèvres », détaille-t-elle.
Loin de souffrir du syndrome de Noé, Véronique Moog continue à s’investir pour l’amour des bêtes. « C’est viscéral, je ne peux pas arrêter ce que je fais mais ça devient compliqué. On est très sollicités et très vite au complet. »
À la recherche d’un terrain pour un refuge
L’idée de construire un refuge s’impose début 2021 mais le projet se heurte aux refus des collectivités et des élus. « On a fait appel aux différentes communautés de communes du secteur pour trouver un emplacement. Sans réponses positives. » Pourtant, dans son village, « la solution est toute trouvée ». Elle est propriétaire d’un terrain d’un hectare sur une zone agricole aux normes pour accueillir une telle structure.
« Le maire est frileux et met en avant des nuisances sonores (lire encadré). Le refuge est nécessaire. Il y a de plus en plus d’abandons, et d’animaux issus de fourrières mouroirs. Il donnerait une belle image au village et ferait venir du monde. »
Cette recherche d’emplacement fragilise le moral de la quinquagénaire qui espère que son cri de détresse sera entendu, surtout dans le nord du Bas-Rhin. « Le refuge peut s’implanter à la place d’un corps de ferme isolé, d’une maison forestière à l’abandon, ou d’une ancienne usine dans une zone commerciale. »
Ce début d’année vient aussi raviver les craintes des bénévoles. « Les municipalités contactées approuvent le projet sans pour autant l’accueillir. À terme, cela pourrait signer la mort de l’association », estime Frédérique Grunenwald, membre de La Porte de l’espoir. Démunie, Véronique Moog envisage d’étudier des pistes hors du territoire alsacien. « La situation devient urgente. »
« Un terrain trop proche des habitations »
Pour le maire de Wintzenbach, Fabien Joerger, le projet est honorable mais pas faisable en l’état. « Nous sommes pour les refuges et la protection des animaux mais le terrain de Véronique Moog est placé trop proche des habitations, à 110 mètres. Le refuge générerait de fortes nuisances sonores. »
Le village a déjà « son lot de nuisances »
Selon lui, le village a déjà « son lot de nuisances avec la porcherie industrielle et la déchetterie ».
« Si sa parcelle était située à un ou deux kilomètres des habitations, ce serait sans doute jouable et on pourrait en rediscuter. À titre d’exemple, les bruits de la SPA de Haguenau traversent la forêt et s’entendent parfois à 3 km, dans le village voisin… »
Pourtant d’après la propriétaire, « tout correspond aux normes de la DDPP (direction départementale de la protection des populations) ».
Toujours selon elle et l’architecte, son terrain est situé dans une cuvette et les plans dessinés permettraient de minimiser toutes les nuisances. « On s’est renseigné sur toutes les réglementations nécessaires pour la construction du refuge. »
« Il n’était pas question pour nous d’adopter un chien de race »
Dans sa nouvelle maison, à Kesseldorf, Kenzo, fait le bonheur de ses maîtres, Nicole et Jean-Marc Hild, retraités enjoués, depuis un an. Croisé avec un Royal Bourbon de la Réunion et un Jack Russel, ce petit chien a du caractère. « On l’a eu à trois mois, on a tout de suite craqué pour sa bouille et sa couleur.»
Kenzo a fait l’école des chiots
Pendant les six premiers mois, Kenzo était inscrit à l’école des chiots. «Au niveau de l’éducation, il fait des progrès quotidiens. Il est joueur et très affectueux. »
Le couple l’a adopté auprès de l’association La Porte de l’espoir pour lui offrir une « belle vie » et pour continuer à « rester actifs ». « On fait des promenades de 5 à 8 km tous les jours. Ça nous rajeunit. Et puis, c’est pour la bonne cause. L’association fait un boulot incroyable, il n’était pas question d’adopter un chien de race. »
Kenzo a déjà posé sa truffe en Ardèche, en Allemagne, et sur les crêtes vosgiennes. « On l’emmène partout avec nous, même au restaurant. »